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Présentation Outre les nombreuses références cinématographiques, picturales, ou encore photographiques dont elle est ponctuée, l’œuvre de Laurent Mauvignier paraît s’attacher à explorer tout autant la relation du texte à l’image (texte de Mauvignier accompagnant l’album photographique de Jean Pierre Favreau Passagers, photographies insérées dans le récit Autour du monde) que le rapport aux genres dans une forme de transmédialité : en témoigne leDVD accompagnant Visages d’un récit, ce livre inclassable qui retrace la genèse de Tout mon amour, comme d’une traversée des genres (texte – théâtre – film dans le sillage d’India Song de Duras). À l’instar de l’œuvre de Tanguy Viel, celle de Laurent Mauvignier est influencée par le cinéma : au-delà des références explicites aux films et réalisateurs, un imaginaire cinématographique s’y déploie ; et certaines techniques empruntées au cinéma – le montage par exemple – sont mises en œuvre dans le récit. Les principes aristotéliciens de la causalité, entraînant tension et dramatisation, trouvent dans la fable cinématographique leur parfaite illustration. C’est ainsi sous la métaphore cinématographique que Mauvignier relit certains classiques. Il en est ainsi de la Phèdre de Racine, auteur en qui il voit « un très grand scénariste » : « oui, chez Racine, pas de temps mort, tout file très vite. Hollywood a des leçons à prendre, et ne s’en prive pas. » Mais « l’image » ne fait pas seulement référence aux différents supports évoqués. Fondés sur des images mentales qui laissent affleurer le souvenir et le fantasme, les textes gravitent autour d’elles comme des soleils noirs. Dans Visages d’un récit, l’auteur écrit : « J’écris souvent à partir d’un détail dont j’englobe l’image dans un champ plus vaste, puis ce dernier dans une image plus vaste encore, et l’effet boule-de-neige me porte à inclure davantage de précisions, psychologiques ou descriptives, histoires dans l’histoire, trames serrées et motifs toujours en abîme dans le tapis. » Origine de l’œuvre, l’image apparaît cependant « incertaine » - comme l’écrit Mauvignier à propos des photographies de Jean Pierre Favreau. Elle ouvre à une réflexion sur le processus de création et sur l’écriture même ; elle renoue avec les origines du récit (l’épique) ; en elle se donne à voir un renouvellement de la rhétorique (métaphores, hypotypose par exemple) et des stratégies romanesques (le regard et la voix ; la description et le monologue intérieur…). Mode d’exploration du réel et mise à distance de celui-ci, catalyseur d’émotions, l’image tend à révéler le sujet qui la produit. Celui-ci semble soumis à une « pulsion scopique » qui troue le réel, repousse les limites de la représentation et interroge la position du narrateur et des personnages (on pense par exemple au personnage du violeur dans Ceux d’à côté). Plus encore, certaines images – notamment les souvenirs récurrents de la guerre d’Algérie qui traversent différents textes – ne sont pas sans lien avec les « images survivantes » dont parle Georges Didi-Huberman, à la suite d’Aby Warburg. Les œuvres de Mauvignier font ainsi état d’une forme de hantise. Que nous dit donc l’omniprésence des images dans l’œuvre de Laurent Mauvignier ? sont-elles signes d’une période placée sous le signe de la postmodernité ? si l’image offre une appréhension détournée de « la brillance du réel » (Rosset), elle indique encore que tout est spectacle – où le sujet est tout à la fois présent et absent. Ainsi, dans Le Lien : « J’ai passé un temps considérable à regarder la vie se faire sans moi, pour qu’elle soit supportable. » La constitution du réel en image ne serait-elle pas précisément ce qui rend la vie supportable ? Cette constitution du réel en image explique peut-être le rôle prépondérant du « cliché » dans l’œuvre. Face à une mondialisation dont on sent bien qu’elle n’est pas seulement économique, l’image serait-elle une sorte de lieu commun ? tout à la fois, socle d’une communauté humaine et emblème d’un nivellement de la pensée et de l’imaginaire, l’image a ainsi à voir avec le « cliché », le terme faisant signe à la fois du côté d’une reproduction indéfinie d’une même image et du côté d’un langage usé. Ainsi, dans le récent Voyage à New Delhi : « elle s’attend à voir des vaches sacrées ou des éléphants en plein milieu de la circulation, comme le veut le cliché, elle a envie de cette image exotique, mais non, le réel est rétif, parfois il ne coïncide pas tout à fait aux images qu’on s’en fait. Mais tout de même, si : New Delhi ressemble à l’image de New Delhi. » Incertaines encore ici, les images mettent en exergue la communauté des hommes et la solitude du sujet, l’adhésion à la société représentée et sa dénonciation, l’hommage littéraire à une forme de représentation et sa parodie.
Comité scientifique Michel Bertrand (Aix-Marseille Université) Bruno Blanckeman (Université Sorbonne Nouvelle – Paris 3) Marie-Hélène Boblet (Université de Caen Normandie) Florence de Chalonge (Université Charles de Gaulle – Lille 3) Johan Faerber (Université Sorbonne Nouvelle – Paris 3 / Diacritik) Claire Lechevalier (Université de Caen Normandie) Sylvie Loignon (Université de Caen Normandie) Dominique Rabaté (Université Paris Diderot – Paris 7)
Contact : Sylvie Loignon : sylvie.loignon@unicaen.fr |
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